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 Le G5 Sahel et l’appel aux Nations unies : un vœu pieux ?

 

 

 

Par Kamissa Camara Ancienne ministre malienne des Affaires étrangères,
Experte senior sur le Sahel à l’Institut des États-Unis pour la paix,elle insiste sur la nécessité de garantir un financement pérenne au G5 Sahel afin de contrer le jihadisme.
Les 15 et 16 février derniers, les chefs d’État des pays membres du G5 Sahel (le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, le Mali et la Mauritanie) se sont réunis à N’Djamena afin d’examiner la situation géopolitique au Sahel, une année après le sommet de Pau. L’occasion était également propice pour
remettre sur la table les doléances des États du Sahel, qui demandent qu’elle soit renforcée par la communauté internationale.

Montée en puissance sans contestation possible, la coalition régionale demande depuis maintenant près de deux ans une mise sous chapitre VII de la Charte des
des Nations unies, afin de lui garantir un financement pérenne. Dans le contexte actuel, cette mise sous chapitre VII – qui permet au Conseil de sécurité de constater « l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » – est certes une possibilité, mais elle ne garantirait au G5 Sahel aucun financement sur le long terme.
Malgré le plaidoyer soutenu des États membres du G5 Sahel, dont certains consacrent près de 30 % de leur budget national aux questions de défense, les promesses de financement des partenaires stratégiques se concrétisent au compte-goutte.
Dans un message préenregistré à l’occasion du septième sommet du G5 Sahel à N’Djamena, António Guterres, le Secrétaire général des Nations unies, a plaidé pour que les opérations africaines de lutte contre le terrorisme obtiennent un mandat du Conseil de sécurité, et pour un financement stable et prévisible du maintien de la paix au Sahel.
Ce plaidoyer est fortement appuyé par le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui invoque depuis 2018 la mise sous chapitre VII comme moyen de financement stable et pérenne de l’organisation régionale. Toutefois, des exemples récents de mise sous chapitre VII nous invitent à constater que celui-ci n’est aucunement une passerelle garantie vers un financement régulier de la FC-G5S.
2007, la Mission de l’Union africaine en Somalie, l’Amisom, a été mise en place pour soutenir les autorités de transition et créer un environnement favorable aux débuts d’une assistance humanitaire sous l’égide des Nations unies. Peu après la création de l’Amisom, le Conseil de sécurité des Nations unies lui a conféré un mandat sous son chapitre VII. En 2009, le Conseil l’a également autorisée, ressources à l’appui, à combattre le groupe terroriste des Shebab, considéré à partir de cet instant comme une menace pour la sécurité internationale.
Si l’Amisom continue aujourd’hui d’exister, ses opérations souffrent depuis peu de l’instabilité de son financement. L’Union européenne et les Nations unies paient les indemnités des troupes et de la police tout en assumant certaines dépenses connexes.
D’autres donateurs bilatéraux tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, ont par le passé soutenu l’Amisom ponctuellement. Mais malgré sa mise sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, ces financements étaient imprévisibles et irréguliers.
Le chapitre VII de la Charte des Nations unies définit les pouvoirs du Conseil de sécurité de l’ONU dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales à travers des actions militaires ou diplomatiques. Sans aucun doute, la mise sous chapitre VII confèrerait au G5 Sahel une légitimité internationale et un cachet politique qui pourraient, en théorie, lui faciliter l’obtention de financements additionnels et la concrétisation effective et rapide des promesses de ses bailleurs.
Par ailleurs, la crise régionale du Sahel a des impacts sur le reste du monde, en raison des longs tentacules des groupes terroristes qui y sévissent. Qualifier la crise sécuritaire au Sahel de menace pour la sécurité internationale ne lui ferait donc que justice. Cependant, plusieurs pays, dont les États-Unis et la Russie (membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies) se sont toujours montrés fermement opposés à la mise sous chapitre VII de la FC-G5S.
Selon eux, le G5 Sahel étant une organisation régionale dont les membres opèrent sur leur propre territoire, la FC-G5S est une solution domestique qui répond à un problème domestique. Un mandat international des Nations unies n’est donc pas considéré comme un outil approprié à ce cas de figure. De plus, la mise sous chapitre VII est généralement réservée aux missions onusiennes de maintien de la paix qui sont, par définition, internationales.
Pour cette raison, ce fameux chapitre leur octroie une légitimité dans l’utilisation de la force. Aussi, ces missions onusiennes de maintien de la paix sont généralement mises en place à la suite d’un cessez-le-feu ou à l’entame d’un processus de paix ou de réconciliation. Cette situation ne s’applique
aucunement au G5 et à son mandat de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.
Finalement, contrairement à l’Amisom, le G5 Sahel n’agit pas sous la tutelle de l’UA, même si sa Force conjointe a été officiellement reconnue par l’organisation continentale à travers une résolution du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en 2017. Le G5 détient en revanche son mandat des plus hautes autorités des pays qu’il représente.
Depuis 2017, l’Union européenne et l’ONU – à travers la Minusma – fournissent un appui opérationnel et logistique à la Force
conjointe du G5 Sahel. Un appui qui, cependant, aurait atteint ses limites par manque de ressources. L’engagement renouvelé du président américain Joe Biden envers l’Afrique pourrait laisser augurer que les États-Unis seront favorables à la mise sous chapitre VII de la FC-G5S.
Mais, encore une fois, si celui-ci procurera certainement une légitimité internationale au G5 Sahel, il ne lui garantira aucun financement prévisible ni durable. Il s’agira pour les pays du G5 de trouver les mécanismes adéquats pour financer leur propre sécurité tout en s’inscrivant dans la durée.

Source jeune afrique.

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