Le papier et le carton font partie des déchets ménagers souvent récupérés en Mauritanie, pour servir d’emballage alimentaire ou d’aliments de bétails. On peut voir, devant quasi toutes les écoles à Nouakchott, les vendeuses emballer les beignets, sandwiches, ou cacahuètes, qu’elles vendent aux enfants, dans du papier journal souvent récupéré des poubelles des ministères ou des entreprises.
Aux alentours des marchés de la capitale, existe un marché florissant de cartons en papier, qui découpés en petits morceaux, finissent dans la gamelle de la plupart des animaux domestiques élevés en milieu urbain sur tout le territoire national.
Ce sont pourtant des pratiques fortement déconseillées par les experts de la santé publique, à cause des produits chimiques utilisés pour fabriquer le papier, mais aussi à cause de l’encre et de la colle contenu dans le carton.
Le Professeur de chimie, Mohamed Baba explique que : «pour appréhender le danger du carton sur la santé animale et humaine, il faudrait comprendre le procédé kraft qui réduit le bois en carton. Ce procédé utilise de la soude et du sulfure de sodium pour dissoudre la lignine contenue dans le bois. On obtient ainsi de la cellulose sous forme de pâte noire, qui doit passer ensuite par plusieurs solutions chimiques complexes qui vont la blanchir, la raidir, la coucher et la rendre perméable à l’encre. Tout un processus toxique qui rend le carton impropre à toute consommation alimentaire. »
Interpellée par cette situation alarmante, Mme Aïssata DIA, éducatrice, a décidé d’utiliser l’éco-vannerie du papier pour alerter et sensibiliser autour de cette pratique dangereuse.
L’idée de recyclage du papier :
Native de la ville de Sélibaby, au Sud de la Mauritanie, Aïssata est familière avec la transformation et la valorisation des produits naturels pratiquées par toutes les femmes de la communauté. Autour d’elle, elle voyait les femmes transformer la paille pour fabriquer des objets utilitaires et d’artisanat comme les nattes, cabas, chapeau, corbeilles … une activité qui générait des revenus aux familles et qui est aujourd’hui en voie de disparition à cause de la rareté de la ressource.
En effet, les faibles pluviométries des années de sécheresses récurrentes ont diminué la quantité des terres cultivables, qui sont désormais réservées aux cultures vivrières. Puis, la paille a, été petit à petit, remplacée par le plastique souple des emballages avant son interdiction dans le pays.
En cherchant donc une idée pour recycler le papier, Aïssata découvre l’éco-vannerie sur internet et décide de faire d’une pierre deux coups : trouver une alternative à la paille et au plastique pour la vannerie traditionnelle et sensibiliser autour du papier recyclé.
« J’ai commencé à recycler le papier en 2017 pour créer des objets de décoration et de rangement », raconte-t-elle «une technique que j’ai apprise grâce aux tutoriels sur l’éco-vannerie. C’est une jeune discipline qui se propose de concilier modernité et savoirs ancestraux, en adaptant à des matériaux de récupération (comme le papier) les techniques de vannerie traditionnelle. »
« Je recycle tous les types de papier, même ceux que l’industrie classique n’arrive pas à recycler, comme les papiers cadeaux, le papier en rouleau, papier photo, essuie-tout ou le papier peint» continue d’expliquer cette jeune maman passionnée. «Grâce à ce papier travaillé, je crée des objets d’artisanat, utilitaires ou de rangement : nattes, paniers, corbeilles, plateaux, casiers de rangement, … Toutes mes créations sont écologiques, car j’utilise pour lier en plus de la colle, la gomme arabique et pour colorer, des teintures végétales, comme le thé, le bissap, les épluchures d’oignons, les pétales de fleurs,… »
Les œuvres d’Aïssata Dia, ont connu un grand succès lors du dernier Grand Marché de Noël de l’Institut Français de Mauritanie. Cependant pour que l’activité devienne rentable, elle aurait besoin de recruter une main d’œuvre qualifiée pour la seconder.
En attendant, l’artiste s’adonne à son activité favorite – celle d’animer des ateliers d’éco-vannerie, avec les petits et les grands, en leur expliquant les avantages de la préservation de l’environnement.
Maimouna Saleck