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Dans ses interventions, qui ont le propre d’inquiéter par leur côté batailleur, l’Inspection générale d’Etat semble opter pour la douceur. Elle veut récupérer les fonds détournés sans froisser les auteurs. N’est-ce pas un peu aller au projectile et laisser le lanceur ?

En fait, c’est un style d’action qui s’exprime de la sorte. Un style qui s’attache à atteindre ses objectifs sans faire de vagues. Son premier résultat est plutôt appréciable. En quelques mois, près de 14 milliards d’ouguiyas ont été détectés, embrassant une vaste gamme d’irrégularités. Des montants substantiels ont été récupérés, ce qui signifie moins de dilapideurs pour aller faire bombance et étaler leur exubérance, sous les regards d’un public démuni et frustré.

 

Les investigations de l’Inspection ont eu le mérite de donner une image claire de la situation d’ensemble. Elles ont révélé une emprise encore vivace de la gabegie dans les circuits d’administration des fonds publics et dénoté, parallèlement, la volonté au sommet de l’Etat de lui faire la chasse, sous la houlette de l’IGE. La stratégie développée à cet effet se fonde sur deux axes essentiels : la prévention et la dissuasion. Il reste à apprécier le mode opératoire.

Il n’y a guère mieux que la prévention en toutes choses, spécialement lorsqu’il s’agit d’anticiper les complications du curatif. Cependant, le préventif perd de son rôle, une fois le corps infecté, comme il paraît l’être. Quant à la portée dissuasive, elle prête à interrogation. Dès lors qu’un pilleur qui accepte de restituer du butin peut aller se frotter les mains, des têtes véreuses pourraient trouver que la formule n’est pas suffisamment périlleuse pour les empêcher de tenter leur chance. Au mieux, ils échapperont aux griffes des inspecteurs ; au pire, ils auront à rembourser des sommes dont ils auront profité, tels des prêts sans intérêt. Avec en prime le bénéfice de l’anonymat.

A considérer que le tandem prévention-dissuasion soit porteur de mises en garde, celles-ci restent feutrées, sous-entendues, alors que la gent corruptible ne lit pas entre les lignes. Comme on dit : « cligner de l’œil suffit à l’adresse d’un homme sensé, une bastonnade est nécessaire pour un esprit tordu ». La dissuasion sera opérante seulement si, d’un côté, le risque encouru est tangible et si, de l’autre, les dommages à subir sont plus significatifs aux yeux du prévaricateur que les gains qu’il pourrait tirer de sa malversation.

Grosso modo, trois types de barrières peuvent se dresser entre le fonctionnaire et la tentation de corruption. Le premier tient à l’intégrité morale. Ceux qui le respectent méritent d’être entretenus et protégés en tant qu’espèce en voie de disparition. Le deuxième renvoie à une idée de l’orgueil. Il est valable à l’encontre de personnes qui conservent un zeste d’amour-propre et craignent d’être stigmatisés sur la place publique.

Le troisième type de barrières réside, lui, dans la peur de croupir en prison. Il vaut pour des mordus du pognon, rompus aux dédales de l’administration et s’estimant prémunis contre les sanctions. L’unique manière de leur couper l’appétit consiste à leur démontrer, par l’exemple, que le cachot existe et qu’il est destiné, entre autres, aux auteurs de détournements, toutes pointures confondues. Cette classification pourrait peut-être inspirer des éléments de réplique, motivants ou coercitifs selon le cas, dans le cadre d’une stratégie de moralisation de la gestion publique.

En un mot, l’IGE a du pain sur la planche. Elle aura besoin de toute sa science, de sa conscience et d’une volonté à toute épreuve pour répondre aux attentes ardentes que son récent renouveau a suscitées au sein de la population. Notre souhait est qu’elle aille en profondeur, jusqu’aux racines de la gabegie. Et si, dans la foulée, elle jette un éclairage sur ces marchés publics qui se nouent par ci, se dénouent par là, puis se renouent ailleurs, elle marquerait une brillante victoire pour le compte de la transparence.

Dans la traque de fond, l’IGE n’est pas la seule à devoir monter au front. L’enjeu mérite la mobilisation générale, puisqu’il détermine notre avenir. Un double combat s’impose : d’une part, contre la mentalité complice qui désacralise le bien public et glorifie l’enrichissement illicite ; d’autre part, contre un phénomène enfoui, vorace, qui a la faculté de toujours inhiber les efforts déployés au service du progrès. Sa réalité nous échappe, mais ses effets se lisent à travers les indicateurs de performance. Qui d’entre nous se sent heureux de voir la Mauritanie se trainer continuellement, malgré ses richesses, dans le peloton de queue des classements du Continent ?

Quand le pays est confronté à des défis majeurs, quand l’Etat est sous la menace d’un surendettement et quand les temps sont si durs pour les populations, les détournements qui franchissent allègrement la barre des dix chiffres sont tout simplement indécents. Aucune tolérance à leur endroit ne saurait se justifier.

Mohamed Salem Elouma Memah

Entre-citoyens

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