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Je viens de lire un article du professeur Lo Gourmo insistant sur l’inéligibilité du citoyen Mohamed Ould Abdel Aziz à la fonction présidentielle au motif que l’article 28 de notre constitution le lui interdit. Que stipule, de façon explicite, cet article 28 sur lequel s’appuie Maître Lo Gourmo ? En voici les termes précis : « le président de la République est rééligible une seule fois ». 1re remarque de style, cet article majeur prévoyant en toute logique une interdiction ou une limitation n’inclut aucune négation dans sa formulation. Ce qui le différencie de toutes les dispositions contenues dans les constitutions de référence limitant ou interdisant l’usage abusif des mandats présidentiels.

En ma qualité de juriste, j’ai toujours considéré que mes collègues, qui ont rédigé cet article, l’ont tout de même raté. J’avoue être frustré du défaut de termes juridiques appropriés et rigoureux dont cet article 28 est étrangement dépourvu face à l’enjeu d’une interdiction absolue d’exercer deux mandats présidentiels consécutifs ou non. En effet, cette phrase a comme sujet « le président de la République ». Alors que l’adverbe « Nul » aurait été plus convenable parce que plus unanime et plus impersonnel. Or la disposition en cause ne vise que le président en exercice, cité de façon explicite.

Posons-nous alors la question suivante. Qui est « rééligible une seule fois » ? Uniquement le président de la République. Quand la constitution utilise le terme « Président de la République » elle vise exclusivement le Président en exercice. C’est à lui, et lui seul, que s’adresse l’article 28. Ce qui exclut tout autre citoyen. Y compris les anciens présidents dont le président Ould Abdel Aziz. Lequel est parfaitement en droit de postuler pour un 3e mandat non consécutif. Cette possibilité pour un ancien président de postuler à un troisième mandat non consecutif est prévue expressément dans plusieurs pays dont la France et le Sénégal. Qui ont toutefois pris soin d’insérer des dispositions d’une grande clarté.

En réalité, nos juristes chargés de rédiger la constitution ont commis de graves erreurs en négligeant, au-delà de l’esprit de la constitution, la lettre de celle-ci en ne s’entourant pas de suffisamment de bonnes règles d’usage pour une rédaction ne laissant l’ombre d’aucun doute sur leur réelle intention d’imposer une interdiction absolue à quiconque d’exercer plus de deux fois le mandat présidentiel. Ils auraient pu s’inspirer de la rédaction du 22e amendement de la constitution des États-Unis en vertu duquel « Nul ne pourra être élu à la présidence – de la République, (ajouté par moi-même pour encore plus de rigueur – plus de deux fois. » Dans ce cas, le président de la République comme tout autre citoyen, y compris les anciens presidents seraient compris dans l’adverbe « NUL » qui ferme la porte de manière définitive à toute personne d’être élu plus de deux fois comme président de la République. Cette rédaction eût été préférable à l’article 28 dont les termes affichent une singulière pauvreté juridique !

Nos rédacteurs plus familiers du droit français auraient pu aussi s’inspirer de l’article 6 de la constitution française qui stipule que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». En réalité, le constituant français n’a voulu limiter l’exercice des deux mandats que consécutivement pour éviter que trois mandats se suivent de maniere continue. Exactement, le cas de notre fameux article 28 si mal rédigé et ne concernant que le président en exercice auquel s’applique seul l’interdiction du 3e mandat consécutif. Était-ce leur volonté ? J’en doute.

 

Revenons à la candidature présumée du citoyen Ould Abdel Aziz. L’article 28 ne le concerne pas. Nous le répétons à nouveau. Il s’applique uniquement au président en exercice, comme Ould Abdel Aziz en 2019. En 2024, n’étant plus président en exercice, il pourrait parfaitement, si telle est son intention, devenir candidat à la présidence de la République. Et je conclus ainsi pour donner plus de poids à l’adverbe « Nul » négligé à tort par les rédacteurs de l’article 28 et qui seul convenait à instituer une interdiction absolue d’exercer un 3e mandat présidentiel, peu importe qu’il soit consécutif ou pas. Aucune disposition de la constitution actuelle, encore moins l’article 28, n’interdit à un ancien président de la République, et donc à Mohamed Ould Abdel Aziz d’être candidat à une élection présidentielle.

……et qu’avait dit le Professeur Lo Gourmo :

DEUX MANDATS, SANS PLUS…
En terme de temporalité juridique, un Président de la République est  » réélu » même après une interruption, quelque soit la durée de celle-ci. Il s’agit du vieux problème de l’application du droit dans le temps. L’interdiction de réélection dans le futur ( en raison du nombre de mandat) frappe le Président de la République dés le moment oû, en tant que citoyen, il en acquière le statut. Cela signifie :  » Tout citoyen, élu Président de la République ne peut plus être réélu, une fois épuisé le nombre de mandats prévu par la constitution ». C’est ce que la constitution définit comme étant  » le régime de renouvellement » du mandat présidentiel qui fait l’objet de son fameux serment de l’article 29. Il faut juste se rappeler que ce serment n’est pas prêté par le Président de la République mais par le citoyen élu, AVANT d’entrer en fonction ( comme expressément prévu par ledit article 29). La non rééligibilité, au delà du 2 ème mandat concerne le citoyen qui a prêté serment de ne jamais se représenter, une fois élu président, au delà du 2eme mandat. Sans aucune autre condition prévue dans le texte. Que le Président de la République soit en exercice ou à la retraite.
Gourmo Lô, 26 avril 2024

 

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