La revendication d’une réforme du système d’éducation fondée sur l’enseignement de nos quatre langues nationales ne date pas d’aujourd’hui. Elle a toujours figuré parmi les exigences des patriotes de toutes nos communautés. Le MND en faisait déjà entre 1969-70 et 1978-79, l’un des points essentiels de sa plate-forme de lutte contre le néocolonialisme et pour une réelle indépendance nationale, à côté de la nationalisation de la MIFERMA, de la création d’une monnaie nationale, de la lutte contre l’esclavage et la féodalité et de la solution de la question nationale sur la base de l’égalité entre nos ethnies. Le régime du Président Khouna Ould Haîdalla s’est inspiré de cette plate-forme pour engager la réforme de 1979 au moment oû une grave crise scolaire menaçait de basculer en affrontements identitaires. Ceux qui invoquent les systèmes éducatifs en vigueur chez nos voisins, en particulier le Sénégal ou le Mali oû la langue d’enseignement est la langue française, considérée comme la seule langue officielle, le font par méconnaissance ou par oubli de la réalité distincte des niveaux de développement des luttes populaires dans nos différents pays. Au Sénégal, par exemple, And Jëff/ MRDN ( frere du MND) avait la même revendication en matière d’officialisation et d’enseignement des langues nationales que les forces révolutionnaires en Mauritanie. Il en allait de même d’ailleurs des autres revendications nationales- democratiques fondamentalement identiques. En Mauritanie autant qu’au Sénégal, par exemple, des 2 cotés du fleuve, les campagnes d’alphabétisation et de vulgarisation culturelle (chants, ballets, poésie et théâtre patriotiques…) étaient menées par les courants clandestins dans nos langues nationales ( arabe, wolof, pulaar, soniinke, serere, diola etc).Nombre de ceux qui, aujourd’hui, sont des experts reconnus en matière de promotion et développement académique des langues negroafricaines ont acquis leur science et leur expertise, au cours de cette période et au sein des mouvements de masse initiés par ces organisations clandestines. En Mauritanie, l’influence culturelle du MND sur la classe politique dans son ensemble à été si hégémonique jusqu’au début des années 80 que les régimes aussi bien de feu le Président Mocktar Ould Daddah que des militaires ont dû tenir compte de certaines de leurs revendications populaires. Donc, si au Sénégal ou au Mali ou ailleurs en Afrique, la tendance à la revendication d’un système d’enseignement basé sur les langues nationales s’est beaucoup affaiblie , cela tient aux aléas de la vie politique et sociale de ces pays et non à l’inexistence historique d’une telle demande. Il en a été ainsi jusqu’à tout récemment en ce qui concerne le sort du Franc CFA. Chez nous, cette question est réglée depuis 1973. En Afrique de l’ouest le sort du CFa n’a été scellé dans sa forme néocoloniale brutale que très récemment, en dépit des résistances de certaines forces conservatrices. Donc être seul à revendiquer une cause ne signifie pas que cette cause n’est pas juste et ne mérite pas d’être defendue. D’ailleurs, fatalement, tous les autres pays africains finiront par réajuster leur système éducatif dont la crise larvée archi connue, provient en partie de son caractère extraverti sur le plan linguistique . Partout le sort du français comme langue d’enseignement hégémonique est voué à l’échec dés lors qu’il étouffe le plein épanouissement de nos langues nationales. Celà ne signifie nullement qu’il faut se débarrasser du français comme langue d’ouverture et de communication interafricaine. Au contraire. Celà signifie qu’il faut la réajuster et lui donner un statut spécifique non attentatoire à celui des langues africaines.
Le tout est de cesser de voir en nos langues de simples objets folkloriques ou de loisir mais comme les seuls vrais outils de notre indépendance collective et de notre réel développement. A condition qu’elles soient des langues officielles, c’est à dire celles que parlent nos Etats à nos populations.