ACTUALITES SPORT ECONOMIE POLITIQUE MONDE FOCUS TRIBUNE العربية
ACTUALITES
SPORT
ECONOMIE
POLITIQUE
MONDE
FOCUS
العربية

 

L’ESCLAVAGE PAR ASCENDANCE CHEZ SONINKÉS EN MAURITANIE

LETTRE OUVERTE AU MINISTRE DE LA JUSTICE

Monsieur le Ministre,

Nos salutations respectueuses.

Dans la région du Guidimagha, une ligne rouge a été franchie dans la matinée du 31 juillet 2021 à Dafor (département de Ould yenge) par l’extrémisme féodalo-esclavagiste soninké. Dans ce village comme dans de nombreuses autres localités villageoises, les litiges fonciers liés à l’esclavage par ascendance ne se comptent plus depuis quelques années. Les autorités administratives et judiciaires sont quasiment mises au pas devant les milieux féodalo-esclavagistes Soninkés qui s’en prennent à des nombreuses familles issues de la composante sociale des descendants d’esclaves qui rejettent les humiliations des assignations coutumières de l’esclavage statutaire. Le 28 juillet dernier, nous avons organisé un sit-in d’alarme devant la Présidence à Nouakchott sur les tensions qui couvent à l’approche des premières pluies. À l’occasion une communication a été adressée au secrétariat de la Présidence au nom de notre mouvement pacifique d’éveil humaniste et citoyen Ganbanaaxu Fedde.

À Dafort, un membre de notre communauté répondant au nom de Samba Moussa Koné a été violemment agressé en brousse par une bande d’éléments issus de l’ordre féodal du village. Un véritable guet apens terroriste orchestré à son encontre quand il est parti visiter la parcelle de terre de sa famille héritée depuis plusieurs générations, suspendue par la justice depuis 2018 par complicité avec les milieux féodaux. Ainsi ce jour monsieur Samba Moussa Koné a été lynché par ce groupe aujourd’hui identifié en grande majorité et dénoncé aux autorités de Ould yenge. Les images choquantes de son agression ont tourné largement sur les réseaux sociaux ces derniers jours, vous le verrez ci-jointe en photo lâchement assommé et ligoté comme une bête par ses assaillants.

Notre présent Sit-in vise un énième signalement auprès des hautes autorités étatiques notamment au département de la Justice, sur les pratiques douteuses voir complices de la justice régionale du Guidimagha. Les graves violations des droits humains se suivent mais les décisions judiciaires ne sont jamais à la hauteur.

Nous sollicitons une audience d’urgence auprès de votre bienveillance monsieur le ministre afin de pouvoir vous édifier davantage avec preuves matérielles à l’appui les graves conditions sociales que vivent nos familles qui refusent la soumission de l’esclavage par ascendance dans les villages soninkés du Guidimagha. Ces derniers mois et semaines, on peut citer plusieurs incidents graves autour cet esclavage statutaire , à Danguerimou, à Hassi-Chaggar, à Tachott (les 2 villages), à Ghabou, à Coumbadaw, à Artoumo et d’autres, et la terrible agression de Dafort suit cette série dans laquelle les milieux féodaux se disent ne reconnaître que leurs coutumes esclavagistes face à l’ordre étatique. Par conséquent des paisibles citoyens paient un lourd tribut dans cette situation infernale de Non-droit.

Notre lettre d’information et d’alerte sera remise à la presse également pour prendre à témoin l’opinion publique nationale et internationale.

 

✓ Nos contacts : 222 46455504 ou 336951738

Le Collectif des Associations de lutte Contre les Pratiques de l’Esclavage en Milieu Soninké (Ganbanaaxu Fedde et partenaires)

Nouakchott, le 4 Août 2021

 

TOUS COUPABLES, AU NOM DE SON INNOCENCE.

Diop Moustapha

Je pense qu’il faudrait, souvent, savoir raison garder. Et arrêter, à mon humble avis, de se pâmer devant des exploits, des réussites sportive, technique scientifique, professionnelle, personnelle qui nous sont to-ta-le-ment lointaines.

J’ai lu le flot de posts, à la limite de l’extase, lorsque mademoiselle Myriam Soumare, Française, native de Paris, a été sacrée championne d’Europe.
Puisqu’il est dit qu’elle est de parents d’origine mauritanienne, les hérauts courent les rues et les campagnes pour annoncer « l’honneur » qu’elle aurait fait à la Mauritanie !
Mille millions de mille sabords et de cornues alambiquées, que vient faire la Mauritanie dans cette galère. Elle qui n’a participé, ni de près ni de loin, à la préparation, à l’accompagnement de cette jeune dame qui, peut-être, n’a qu’un vague souvenir de ce qu’on lui a dit de son pays d’origine et dont elle se tamponne d’ailleurs (désolé pour le terme un peu trop militaire) puisque, semble-t-il, à certaine occasion, l’ambassade n’a pas daigné la recevoir malgré l’entregent de certains de nos compatriotes !
Se glorifier d’un trophée que l’on n’a ni remporté, ni contribué au triomphe serait tout simplement un recel moral indécent et insupportable.

A mon sens, la fierté devrait résider dans la réussite de toute compétition, tout acte d’élévation, dans tous les domaines d’activité auxquels on a participé.
Dans ces cas-là, seulement, l’exigence de partage du triomphe….ou de la défaite, devient légitime. Une Nation ne célèbre que la consécration de ses actes mais se contentera seulement, si elle y consent, de féliciter les victoires ou les réussites des autres.
Même si celles-ci devaient lui être profitables, dans un sens ou dans un autre.

A ce niveau, j’aimerais aborder le cas de cette jeune et courageuse athlète mauritanienne, mademoiselle Houlèye Ba, qui a compéti aux JO de Tokyo de 2021, sur 100 m.
Oui, son chrono fut de plus de 15 secondes ! Mais elle passa la ligne d’arrivée.
Et elle fût moquée, avec violence, par certains internautes qui, je suis sûr, tout comme moi, ne connaissent ni les tenants, ni les aboutissants de la course de cette jeune et brave demoiselle.
Certes, son chrono, à ce sommet de la compétition mondiale, n’est pas bon. Il est mauvais. Il est ridicule. Il a déclenché l’hilarité. Je le confesse, rien que pour ses contempteurs !
Mais, messieurs, qui n’est pas bon ? Qui est mauvais ? Qui est ridicule ? Qui a fait déclencher l’hilarité ?
Sans aucun doute, tous ceux qui l’ont envoyée combattre sans préparation adéquate, sans intendance efficace ! Et pour couronner le tout, sans armure, sans bouclier et sans destrier, en rase campagne.
Alors, elle a paisiblement fait, ce que, seule, au moins, elle a su faire, avec courage : nouer son foulard autour de la tête et arpenter le tartan de l’Olympe. Un foulard que tous les spécialistes vous assureront qu’il freine la course de quelques centièmes ou dixièmes de seconde ! Avec ses 15 secondes, c’est un argument d’aérodynamisme dont, je crois, que c’est surement le cadet de leurs soucis, elle et ses préparateurs !
On a urgence à déterminer les responsabilités et désigner les responsables de cette défaite ! Cette demoiselle est volontaire. Oser accepter d’aller défier les meilleures du monde, dans sa spécialité, sachant que sa préparation n’est guère à niveau, qu’elle n’a surement pas satisfait aux minimas.
Elle a courageusement accepté de jouer sa partition. Futile partition, certes, mais pour laquelle, nous devrions la consoler et l’honorer. Lui tresser des lauriers pour, seulement, avoir osé. Tout simplement.
Déterminer maintenant les responsabilités et désigner les responsables.
Ceux qui ne furent pas bons, ceux qui furent réellement mauvais, ceux qui furent réellement ridicules, ceux qui réellement ont déclenché l’hilarité. On n’ira pas chercher trop loin ; car le coupable, pour tous, est le seul ordonnateur des choses : l’État avec ses démembrements.
L’Etat étant une continuité, j’ose affirmer, es qualité, que depuis notre CMSN, le sport a été considéré comme une activité quasi indigne d’adultes. Nos anciens ministres en charge des sports, Feu Ba Mahmoud, Docteur Diagana Youssouf, ont guerroyé ferme autour de la table des Kakis sans jamais réussir à « nous » convaincre de l’importance de ce secteur, déjà en montée partout dans le monde. Nos vaillants lobbies de « soutien indéfectible et inconditionnel », toujours tapis dans les couloirs et les ruelles poudreuses, en embuscade, sapaient toute idée contraire à leur projet. C’est ce qu’on appelait les groupuscules. Même si certains étaient aussi gros qu’un éléphant. Et ils ont la particularité de survivre à tous les régimes et à être immortels !

Aujourd’hui, il n’est guère besoin de démontrer ce qu’est devenu le sport. Au-delà de préserver notre santé, il est devenu un immense outil de développement économique. La célèbre devise du baron Pierre de Coubertin « l’important c’est de participer » a pris du plomb dans l’aile et rangée aux oubliettes. Aujourd’hui, on participe pour gagner. Sponsoring oblige.
Certains clubs de football européens alignent, me chuchote-t-on, des budgets supérieurs à ceux de bien de pays de nos contrées !
Donc coupables, nous le fûmes bien, pour avoir méprisé ce secteur et manqué de vision. Il est vrai, sans que cela ne constitue le moindre début de justifications, les esprits ont souvent été ailleurs, les militaires étant, entre eux, de fieffés « coquins violents ».
Coupables aussi, tous les pouvoirs successifs, pour n’avoir pas redresser la barre, alors qu’ils étaient sensés venus rectifier les choses ! Elles furent souvent bien rectifiées…et à la tronçonneuse, pardi.
Aujourd’hui, dans le programme du nouveau PR, il y serait, semble-t-il dit, comme profession de foi, que : « le candidat accorde une grande importance et priorité au domaine du sport, etc, etc….. ». La même rhétorique, le même intitulé depuis 41 ans ! Et pour le malheur de notre ouvrage de Sisyphe, ce ne furent que des militaires ou des militaires démissionnaire ou retraité qui se sont succédé. Ce qui alimente bien l’éternelle ritournelle des civils que ce ne sont que des régimes militaires qui se succèdent. C’est agaçant mais accordons-leur ce plaisir, même si le propos est contestable mais il n’autorise plus le débat.

Revenons à mademoiselle Houleye Ba qui, en acceptant de s’aligner sur ce 100 m, a levé le voile et braqué les projecteurs du Stade Olympique National de Tokyo sur les insuffisances et carences officielles, à toutes les étapes. Sa prestation, que l’on moque, a mis des visages sur toute une chaîne de responsables-courtisans, de la bien lointaine CMSN à aujourd’hui qui, en privilégiant les beaux discours démagogiques, rapports pompeux, pour mieux cacher des carences, ont aussi contribué à perpétuer le mensonge, au seul profit de leurs intérêts.
Et ces intérêts perdurent depuis 41 ans ! Si les services de communication officielle pouvait faire visionner la prestation de notre jeune compatriote à Tokyo aux décideurs, alors, s’ils la voient, je pense qu’ils sauront lui faire rendre justice et la réhabiliter.
La magnanimité autoriserait même, là, un simple coup de téléphone, de monsieur le Président de la République à notre malheureuse athlète. Geste significatif que de féliciter une « perdante » !
Cela, dans le même esprit de réhabilitation dans tous les domaines de l’État. dont il est, sûrement, mieux informé.

Réhabiliter, dans ce cas précis, ne serait, d’abord, que perspicacité et vision économique, avant tout prestige.
La Jamaïque attire, aujourd’hui, les 3/4 de ses investisseurs, parce que « des femmes adultes et des hommes adultes, en culottes » ont couru sur tous les stades du monde et cueilli des lauriers. Simplement.
L’on sait aussi que ce secteur du sport est peuplé de jeunes, dont la majorité de femmes et de filles. Les ¾ de l’électorat. Si l’on ne s’en tient qu’à l’aspect caricaturalement électoraliste.
Cette jeunesse est celle de l’âge du numérique, celle de l’âge où on accède maintenant à la Présidence des Républiques et où on « Snapchat », en tee-shirt. C’est la jeunesse qui redresse la tête, refuse tous les préjugés, sortis de nulle part et surtout anachroniques.
Les ressources humaines sont pourtant foison pour concrétiser ces engagements, comme dans tous les autres domaines nécessitant, peut-être, des réformes profondes (politique, économique, social) et/ou surement de restauration plus grave (droits humains, Justice) et j’en passe pour y revenir à d’autres occasions.
Ces ressources, ne demandent qu’à être mises en ordre de bataille. Elles seraient surement plus utile que les psalmodies des éternels et inusables recyclés thuriféraires.

Pour l’heure, je ne m’en tiens qu’à ce merveilleux secteur que mademoiselle Ba vient de secouer, dans ma conscience momifiée. Puisqu’en tant que CMSN, nous avons contribué au délitement du sport. Et à ce titre, je plaide coupable.
Pour exorciser les esprits qui hantent depuis si longtemps. Coupable pour n’avoir pas pu éviter au pays le triste sort, sportif et humain, infligé à Tokyo.

Faisons alors en sorte qu’aux JO de Paris, en 2024, Inchallah, mademoiselle Houleye Ba éblouisse les spectateurs, de retour dans les gradins. Elle le peut.
Et que son foulard soit revu et corrigé par nos grandes stylistes.
On en a aussi et qu’il faudra bien que le ministère, en charge de la culture, fasse sortir à la lumière. Pour éviter le syndrome de Tokyo.

Nous jouions aux tournois nationaux sur l’aire du lycée national. Il y’a 48 ans.

Houleye Ba s’entraine surement au vétuste Stade Olympique.

Myriam Soumare doit avoir ses quartiers dans plusieurs lieux dédiés, selon les exercices.

L’égalité commence par l’absence d’inégalités.

Brahim Boihy

Les disparités dans le développement de régions d’un pays, les déficits en infrastructures diverses, les écarts de représentation, etc, dictent aux autorités gouvernantes la nécessité, pour ne pas dire l’obligation, de rechercher les voies et moyens les plus à même de répondre aux impératifs d’un équipement harmonieux et équilibré du pays, du développement humain des populations et de leur participation à la gestion. L’aspect humain de ces déséquilibres interroge la question de l’égalité, laquelle commence par l’absence d’inégalités. De quelles égalités s’agit-il? Il convient à cet effet de distinguer (1) l’égalité absolue : elle est d’essence juridique de par les chartes et conventions relatives aux droits humains, la Constitution, les lois et règlements en vertu desquels les êtres humains naissent égaux et doivent avoir les mêmes droits; (2) l’égalité relative, découlant de comparaisons : ce qu’on gagne, la situation par rapport aux minima économiques: revenu médian et seuil de pauvreté, l’accès aux services sociaux…Notamment; (3) l’égalité des chances.

C’est la véritable égalité; la seule, finalement, qui vaille. On l’atteindrait lorsqu’on aurait donné à tous les citoyens les moyens indispensables à leur développement . Ce pourrait être (a) par l’école en donnant la priorité à la construction, dans les contrées éloignées, dans les « adouabas » et dans les bidonvilles, d’écoles suffisamment équipées, gratuites, accessibles à tous ceux qui, aujourd’hui, sont condamnés à demeurer en marge du système éducatif; (b) par les bourses d’étude et de formation qui consentiraient des avantages raisonnables à ceux qui, grâce à leur engagement personnel et aux sacrifices de leurs parents, déjà économiquement et socialement faibles, auraient réussi à franchir certains seuils, afin qu’ils puissent continuer leurs études, plutôt que de voir leurs efforts et ambitions s’évanouir; (c) par la santé à travers l’affectation d’investissements suffisants en équipements et en dotations sanitaires en faveur des contrées et populations éloignées et souvent dépourvues de possibilités d’accès aux soins de base. Le développement d’un esprit sain dans un corps sain ne s’en trouverait qu’augmenté; (d) par le travail et l’économie, en favorisant l’emploi et le ruissellement économique vers les régions et les populations les plus faibles; (e) par les compétences, qui doivent rester les premières à valoriser; les mal lotis du système ne peuvent généralement compter que sur celles dont ils pourraient, en l’absence d’autres soutiens d’ordre tribal, ethnique ou politique, comme il en existe, et qui les épauleraient,

Au nombre des solutions envisageables, la politique de la discrimination positive est évoquée. Elle ne devrait être qu’une politique de dernier recours, limitée dans le temps, pour mettre fin à terme, à l’exclusion sociale et aux déséquilibres. Ses objectifs ne devant être que la promotion de la diversité et le rattrapage entre régions et groupes inégalement représentés, une dose de discrimination positive, intelligemment administrée, pourrait constituer une réponse ponctuelle à certaines situations. Son application, comme indiqué au paragraphe précédent, serait l’approche la plutôt favorable à l’accélération de la marche vers l’égalité des chances, la mobilité sociale et la réduction de la pauvreté.

Toutes les semaines, les boussoles sont orientées vers le Conseil des Ministres et plus particulièrement vers sa rubriques « les mesures individuelles ». Les nominations auxquelles il procède donnent souvent lieu à moult commentaires et interrogations. Ces nominations et promotions devraient, en principe, être dictées par les besoins des administrations, et prises sur la seule base des compétences. Lorsqu’elles ne s’inscriraient pas dans le cadre de cette exigence, comment alors les comprendre ? Si elle devait être retenue, la politique de discrimination positive pour justifier quelques nominations et promotions viserait-t-elle des regroupements, des catégories d’individus, des groupes d’appartenance? Chercherait-t-elle à réduire les écarts entre groupes par la promotion de l’élite? Par elles-mêmes, ces nominations et promotions ne permettent ni de réduire les inégalités, ni de lutter contre la pauvreté. En effet, les filles et les fils des heureux (ses) promus, comme ceux d’un membre du gouvernement, d’un cadre (supérieur ou moyen) ou d’un citoyen aisé, fréquenteront les meilleurs établissements scolaires et sanitaires qui les prépareront au meilleur avenir possible. Les enfants des pauvres, quant eux, resteront dans leur pauvreté et ses conséquences. Ce n’est pas là le meilleur usage qu’on pourrait faire de la discrimination positive.

La politique de discrimination positive est controversée et comporte bien des impacts négatifs: elle est, notamment, stigmatisante pour ceux qui en bénéficient et discriminatoire envers les autres. C’est un autre débat que je n’aborde pas ici. En définitive, une telle politique ne serait une solution de rattrapage ou de rééquilibrage que si elle prépare effectivement à l’égalité des chances. Elle ne devrait en aucun cas constituer un passage vers la médiocrité. Certes, la promotion de hauts cadres augmenterait la représentation visible de la diversité dans l’élite dirigeante, mais ce ne devrait pas être l’arbre qui cache la forêt des inégalités. Brahim Boihy-25/07/2021

Il n’est pas besoin de dire que la Mauritanie est un pays multiethnique .

Il n’est pas besoin de dire que la Mauritanie est un pays multiethnique . Notre pays n’est pas une exception par rapport à tous les pays du monde sur cette aspect de multiethnicité et de multiculturalité .
L’exception mauritanienne réside dans le déni de cette réalité au point de vue de toutes les activités culturelles , économiques et sociales .
Sur le plan culturel on peut constater que seule domine une culture sous le prétexte que notre langue officielle est l’arabe . Ce caractère officiel admis ne devrait pas occulter les autres cultures au point où, ces dernières sont obligées de suivre les médias et cultures voisines des autres pays comme le Sénégal et le Mali et voire même d’autres cultures étrangères par le biais du câble .
En effet , notre télévision nationale et radios multiples dans le pays n’offrent qu’une seule fenêtre culturelle sans possibilité d’offre de choix .
Dans les pays de la sous-region, il existe plusieurs médias en différentes cultures qui appuient la politique, suivant un cahier de charge général .
Mieux , dans ces pays les télévisions privées ou radios de même nature dressent des programmes d’éducation dans le cadre d’une citoyenneté intégrée.
Notre pays n’éduque ni par le théâtre , ni par le cinéma encore moins par la musique .
La diversité culturelle n’est pas reflétée au niveau national ou valorisée à sa juste valeur dans l’effort de renforcer le sentiment d’appartenance à la patrie .
Sur le plan économique on peut aussi constater que
Les entreprises publiques et privées , les banques et autres secteurs productifs sont le monopole de quelques priviligies, surtout d’une seule communauté, qui bloquent toute autre initiative d’intégrer les secteurs tertiaires et primaires de l’économie nationale .
L’économie d’un pays ne peut reposer sur les épaules de quelques individus ou d’un groupe ethnique donnés .
beaucoup de nos compatriotes sont tenus hors de l’enrôlement biométrique créé des frustration, en effet
pour défaut de ces documents d’Etat civil ils ne peuvent pas voyager ni s’inscrire aux universités ni acquérir une propriété ou
tout simplement avoir un boulot .
Cette frustration s’accumule et installe un sentiment de malaise social qui generalement peut évoluer vers un certain extrémisme violent et le discours haineux.
L’état doit donner permettre à tous les citoyens sans distinction d’ethnies, de communautés d’avoir les mêmes droits et les mêmes égalités de chance dans leur pays surtout dans une nation multiculturelle.

Renoncer à ma tribu, pourquoi faire ?

Boukhary Mohamed Mouemel

Tous les participants[i] se sont déclarés contre la tribu, sauf deux ou trois intervenants. Sous un angle différent de celui de ces rares récalcitrants, l’animateur principal, le Pr Abdel Wedoud Ould Cheikh, s’est distingué par la clarté du discours, son détachement et, paradoxalement, par le caractère, à la fois, tranché et mesuré, des propos.

Tout au long des deux heures de débat, il a évité de parler de lui-même. Sauf une seule fois, quand il a annoncé qu’il n’a pas de tribu. Il a, en effet, affirmé avoir renoncé, depuis plusieurs décennies, à cette composante de l’identité, individuelle et sociale, bien établie chez la grande majorité des Mauritaniens.

Par quoi l’a-t-il remplacée ?

Je ne lui ai pas posé la question. L’idée m’a pourtant fortement effleuré l’esprit. Mais, j’ai manqué de courage, ou plutôt, j’y suis allé avec nonchalance, les chaussures plombées. J’ai emprunté un chemin tortueux, comme on fait souvent dans mon milieu Zwaya de Tachmché, quand le sujet est « sensible » ou très litigieux. Evitant d’aller tout droit au but, j’ai opté pour dire, avec une certaine fierté et sur un ton légèrement empreint de défiance, le nom de ma propre tribu, et que je connais la sienne ainsi que celles de ceux qui sont à côtés de lui sur la tribune.

Puis, un autre point de désaccord avec le Professeur Abdel Wedoud : contrairement à lui, je ne pense pas à une réémergence, en Mauritanie durant les dernières décennies, du pouvoir des tribus comparativement aux premières années de l’indépendance. Mais c’est plutôt la perception populaire de l’Etat qui a changé. A l’époque, comme héritier du pouvoir colonial, l’Etat était perçu par les citoyens, comme un système qui leur est totalement étranger. Voire étrange à leurs yeux !

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Ils l’ont adopté, s’y reconnaissent, et nos mentalités et cultures traditionnelles s’en accommodent parfaitement, avec tout ce que cela comporte de contraintes, de défauts comme d’avantages. Autrement dit, il y’a tribu et tribalisme.

Plus profonds que moi, et plus explicites sur le sujet, furent Mre Mohamed Ould Moine et l’universitaire Mohamed Ishagh Alkunty.

Le premier a commencé par prendre carrément à contrepied le conférencier et tout le monde, en prenant pour exemples des pays du Moyen-Orient et du Golfe : Iraq, Syrie, Jordanie, Koweït… L’identité tribale est très bien préservée dans ces pays . Et elle n’affecte en rien leur développement et leur progrès, a-t-il expliqué. Par contre, selon lui, l’usage qui en a été fait chez nous, ces dernières années, est catastrophique.

Pour Alkunty, l’évolution du rapport tribu/Etat dans notre pays a suivi une trajectoire bizarre. Elle commence par une négation des réalités socio culturelles de l’espace géographique. Choisir dans un premier temps une zone vide de toute vie humaine, Nouakchott, et y installer ensuite la capitale du pays, en est l’illustration. Il s’agit d’une « déshumanisation » de l’espace que confirme également le remplacement des noms autochtones des régions par des chiffres, ajoute Alkunty.
Des mesures arbitraires qui reflètent le peu d’intérêt que les autorités de l’époque accordent aux habitants, estime-t-il. Aujourd’hui, ceux-ci se sont imposés et forcé leur respect. Un changement notoire de comportement collectif, qui se vérifie, constate l’universitaire, à travers l’évolution d’une terminologie géographique urbaine révélatrice de la prise de conscience des citoyens : d’abord le mot « al kéba », avec ses charges négatives de faiblesse et de soumission, va laisser la place plus tard à « al Gazra » qui sous-entend force et révolte.

Hormis, les deux intervenants cités plus haut et moi-même, les autres participants, ont quasiment fait tous front avec le conférencier contre la tribu. Et ils n’ont pas tort sur pas mal de points, notamment quand ils font le constat classique du phénomène, ses aspects négatifs et sa morphologie. Cependant, la conception et le développement d’une vision analytique nouvelle du tribalisme, plus moderniste, mérite plus d’approfondissement. Des voix et des pistes de solution, qui en découlent, devraient être dégagées à la lumières des évolutions les plus récentes des sciences humaines et leurs corrélations avec l’industrie et la technologie, notamment avec les TIC.

En attendant, personnellement, je ne vois pas bien comment et par quoi remplacer ma tribu.

Peut-être qu’il faudra que je creuse la réflexion en cherchant du côté de la société civile et des organisations politiques. Mais là aussi, la démarche et le raisonnement risquent de ne pas être trop tranchés : la tribu, comme cadre social physique, ou notion abstraite, est à même de s’adapter aux évolutions de la société, d’accompagner partis politiques et ONG. Cela dépend du contenu que l’on voudra bien donner à tout cela.

El Boukhary Mohamed Mouemel

 

Ce n’est pas ta langue ma dame

Boukhary Mohamed Mouemel

« C’est magnifique, comment vous parlez très bien notre langue ! », m’a dit une belle dame française dont j’ai fait la connaissance, mais je ne peux pas vous dire ni quand, ni où, ni comment ; car je ne le sais pas. Et ce n’est pas à cause d’un trou de mémoire que j’ai oublié les circonstances ou les détails de notre rencontre. Non, je n’ai rien oublié !

Je me souviens, en effet, très bien que, dans son enthousiasme débordant, cette dame que je vais appeler « y », a voulu savoir comment j’en étais arrivé à l’enchanter : comment est-ce-que j’ai pu maîtriser sa langue ?

« Où est ce que vous avez appris le français ? Dans votre pays, la Martinique…. Pardon : J’ai oublié le nom », dit-elle, dans un éclat de rire. Je vins à son secours : « la Mauritanie », lui rappelai je ; elle reprit aussitôt sa question dans la foulée.

« L’avez-vous appris en Mauritanie ?» Enchaina-t-elle, manifestement très satisfaite de mon éducation linguistique. Le reste importe peu pour elle : avoir du mal à faire la distinction entre un Département d’Outre Mer français dans les Caraïbes et un pays du Maghreb et de l’Afrique Occidentale ne lui donne pas de gros soucis.

« Tout de même, compliquée la géographie pour nous Français, même quand il s’agit d’une région de notre propre pays ou du pays d’un interlocuteur que je connais assez bien ! Mais bon…. passons », devait-elle se dire discrètement.

Aussitôt la petite confusion géographique corrigée, elle a continué de me dire sa satisfaction, le regard lumineux, la voix douce et un beau sourire aux lèvres : « Le fait que vous parlez aussi bien ma langue me fait tellement plaisir ».

Sur ce, je n’ai rien trouvé à lui répondre. Et ce n’était pas parce que ses propos ne me touchaient pas. Bien sûr qu’à l’instar de tous les hommes, je suis sensible aux compliments d’une belle dame ! J’y réponds habituellement avec délicatesse ; ou du moins, je tâche de le faire.

Mais là, je suis resté bouche cousue, coincé. Je cherchais vainement la parole, comme si ma pensée ne voulait pas de mes mots, préférant à leur lieu et place taire ma réflexion.

Pourtant, j’avais des choses à dire. J’avais envie de lui expliquer que je ne parlais pas ‘’sa’’ langue, mais plutôt la mienne, celle de Senghor et de Mouloud Feraoun,… celle de beaucoup d’autres anonymes qui s’appellent Mohamed, Diallo, Paul… ou Aichetou, Jaqueline, Ramata…

Il se trouve que cette langue est par hasard la sienne également : une langue en partage dans le monde, une langue qui n’a ni drapeau, ni hymne national, ni territoire, ni couleur, ni religion… qui lui sont propres.

« Le français est une langue mondiale, comme tant d’autres ! Il n’appartient à personne ! » Aurais-je dû lui répliquer vigoureusement, coupant court à son discours entaché de chauvinisme, à mon sens.

Mais une certaine gêne m’en a empêché, bien que n’ayant pas bien pris son enthousiasme et ses propos. Ils m’ont semblé déplacés à l’égard de tous ceux qui ne détiennent pas la même nationalité qu’elle. Et cela m’a profondément agacé ; mais je ne pouvais pas le lui avouer !

Elle était de bonne foi, sincère et honnête, en exprimant sa joie et sa fierté. Elle le faisait sans façon, simplement, toute gaie et de bonne humeur.

‘’Si ça ne méritait pas ma gratitude, au moins, je dois m’abstenir de la décourager », me dis-je, dans un effort de retenue auquel je m’efforçais, non sans peine. C’est aussi ça, la francophonie : « rester galant », m’enseignaient Ly et Mohamed Lemine, mes instituteurs inoubliables.

Car, contrairement à elle, je voyais les choses autrement : je me sentais comme si j’étais stigmatisé, offensé… comme si cette jolie et honnête dame, me disait inconsciemment des méchancetés, comme si elle me soufflait à l’oreille :

« Vous vivez dans un espace linguistique qui n’est pas le vôtre. Vous vous y adaptez parfaitement bien. Soyez donc le bienvenu, mais tout en sachant que vous y êtes étranger, quoi que vous fassiez ».

Or moi, je ne me sens nullement comme tel. Et je trouvais étrange ce grand décalage de vision entre mon interlocutrice et moi. Je cherchais à me l’expliquer.

Pourquoi cet énorme fossé entre nos perceptions quant au rapport à une langue que nous avons pourtant en commun ?

Pour comprendre, j’ai couru, comme à l’accoutumée, voir mes profs pour les consulter.

Et comme à leur habitude, ces navigateurs de recherche, modèles d’assiduité, sont toujours au rendez-vous. Grâce à eux, j’ai obtenu des éléments d’information intéressants qui vont m’aider à me faire une certaine idée ; mais ne me conduisant pas jusqu’au fond des choses. En tout cas pas encore.

L’un d’eux m’a fourni une bonne documentation : les statuts et règlements de l’Académie française. Grand pédagogue qu’il est, ce prof virtuel m’a poussé, sans le dire, à lire entre les lignes afin de comprendre le fonctionnement de la très prestigieuse institution qui fait office de gendarme de la langue française.

Eh oui, en France, il faut mettre des gendarmes partout !

« Notre langue », comme disait mon amie « y », n’échappe pas à cette mesure protectionniste qui s’inscrit dans un registre de ‘’garde- frontières’’ bien connu dans l’Hexagone et sous d’autres cieux.

Si ses applications sont facilement visibles dans les domaines géographique et politique, ici le concept s’applique de façon plus diffuse à l’espace linguistique qui est tout aussi vital et convoité que les autres produits ou domaines stratégiques.

Il y a en effet de quoi être vigilant au sujet de la ‘’sécurité’’ de ce pan du ‘’patrimoine national ‘’. La Langue de Voltaire n’est-elle pas menacée par ces « hordes » d’étrangers qui se comptent par centaines de millions, et qui continuent de s’en emparer, de la développer et l’adapter à leurs modes de fonctionnement, sans que l’on puisse faire quelque chose pour les en empêcher ?

Les chiffres parlent d’eux même ! On compte aujourd’hui 270 millions de francophones dans le monde dont seulement un peu plus de 65 millions résident en France, nationaux et étrangers réunis. Ils seront plus de 700 millions en 2025 ; voire plus, selon d’autres projections.

Mêmes les systèmes de défense autour de la ‘’garnison’’ où siège le bataillon des Immortels, qui montent la garde devant cette langue, ne sont pas infranchissables. Une Algérienne et un Haïtien s’y sont infiltrés tout dernièrement, pour ne citer que les « intrus » encore en vie. C’est vrai qu’ils ne présentent pas vraiment de gros dangers face aux 38 autres Fauteuils tous français, « colorés » seulement par deux binationaux européens : un franco- belge, et un franco-britannique.

Impossible donc d’avoir une étanchéité linguistique à 100٪, y compris dans l’Académie Française, malgré les remparts et le conservatisme séculaires dans lesquels s’enferme cette institution, vieille de 379 ans.

Dans ce contexte où les barrières linguistiques sont impossibles à établir face aux « assaillants » étrangers, des gens comme moi qui ont épousé totalement la langue de Senghor et de Voltaire, ne peuvent pas s’empêcher de se demander :

Aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, les attitudes et comportements « possessifs » qu’ont certains vis à vis de cette langue, et l’Académie Française en est le symbole, sont-ils vraiment en phase avec l’évolution du monde, et avec le concept de francophonie lui-même, devenu une réalité culturelle transfrontalière universellement reconnue ?

En posant la question je me suis adressé à « y » : « qu’en penses-tu », lui dis-je ?

Elle n’a pas répondu, restant silencieuse et détournant son regard vers son portable qu’elle a commencé à manipuler. Pourquoi ce désintéressement subite de sa part ?

L’ai-je indisposée en la tutoyant ? Peut-être. Mais comme c’est moi-même qui l’ai inventée, n’est-ce pas, je peux lui parler comme je veux ?

Beijing, janvier 2015*
El Boukhary Mohamed Mouemel

 

Besoin d'aide? Chat avec News Rim D.T.